Réduire l’empreinte carbone des logiciels que nous utilisons couramment est-il réellement une priorité? La réponse est malheureusement oui. Et ce, même au sein des logiciels et sites web faisant la promotion d’un développement plus durable.
Pour prendre un exemple récent, des représentants de près de 200 pays se sont réunis à Dubaï pour la COP28 en décembre 2023. Cette conférence des Nations Unies sur le changement climatique avait pour but de discuter de l’urgence de réduire les émissions.
Pendant ce temps, le site web de la COP28 était une source importante de pollution, selon l’outil de notation de durabilité du site Ecograder. Le site engendrait 3,69 grammes d’émission de CO2 pour chaque page vue, soit le double de la moyenne mondiale.
Cela semble être une quantité assez modeste d’émission, mais il faut prendre en compte l’accumulation. Si le site reçoit 10 000 vues par mois, ses émissions annuelles équivaudront environ à celles d’un vol aller simple de Montréal à Paris.
Bien sûr, un tel niveau d’émission n’est pas inévitable. L’analyse d’Ecograder des émissions du site de la COP28 blâme notamment le code inutilisé, les images de taille incorrecte et les scripts de tiers pour ses piètres performances.
Les émission sont liées à l’énergie utilisée pour le transfert, le chargement et le traitement des données. Ces opérations consomme beaucoup d’énergie sur les appareils des utilisateurs. Corriger et optimiser ces éléments pourraient réduire de 93% les émissions par page du site, d’après Ecograder.
Des émissions liées à la demande énergétique
Bien sûr, aucun logiciel ne libère pas d’émissions par lui-même. Il nécessite toutefois du matériel informatique et des centres de données et fait transiter les données via les réseaux de transmission.
Le secteur des technologies de l’information et des communications est responsable de près de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. À l’heure actuelle, l’impact environnemental du web équivaut donc à peu près à celui du transport aérien.
D’ici 2040, ses émissions pourrait atteindre 14 % du total mondial. C’est presque autant de carbone que celui émis par le transport aérien, terrestre et maritime combiné.
Le génie logiciel à l’aube d’un virage vert
Le génie logiciel écologique est une discipline émergente. Son objectif est d’appliquer de meilleures pratiques lors de la conception d’applications, afin de réduire les émissions de carbone.
Ce nouveau mouvement visant le développement de logiciels plus verts prend rapidement de l’ampleur.
Certaines grandes entreprises ont lancé leurs propres initiatives de développement durable. D’autres ont plutôt optés pour des efforts plus collectifs, afin de faire une différence plus importante.
La Green Software Foundation est un bon exemple d’initiative commune afin de réduire l’empreinte carbone des logiciels. Elle compte désormais 64 organisations membres, dont divers géants technologiques Google, Intel et Microsoft.
L’industrie de logiciel devra toutefois adopter ces pratiques encore plus largement si l’on veut éviter que les émissions ne s’aggravent au cours des prochaines années. Surtout face à l’avènement de l’intelligence artificielle, que a déjà un impact environnemental notable.
Qu’est-ce que le génie logiciel vert?

Le mouvement pour des logiciels plus verts a commencé il y a plus de 10 ans. Le Sustainable Web Design Community Group du World Wide Web Consortium a été créé en 2013.
La Green Web Foundation a pour sa part commencé en 2006. Elle visait alors à comprendre les types d’énergie alimentaient Internet. Aujourd’hui, la fondation s’efforce d’atteindre l’objectif ambitieux d’un web sans énergies fossiles d’ici 2030.
Asim Hussain, président et directeur exécutif de la Green Software Foundation, justifie la mission d’information de l’organisme.
« Il y a déjà un grand segment de l’écosystème de développement de logiciels qui se soucie de cet espace. Ils ne savent tout simplement pas quoi faire. »
D’après M. Hussein, les actions à poser reposer sur trois piliers principaux. Le premier est l’efficacité énergétique, qui vise à utiliser moins d’énergie. Le second est l’efficacité du matériel, soit d’utiliser moins de ressources physiques.
Le dernier pilier est l’informatique consciente du carbone, qui vise une utilisation plus intelligente de l’énergie. Cette conscience du carbone implique aussi de développer les applications à des moments où l’électricité propre est disponible. On peut notamment penser à l’énergie éolienne ou solaire, qui ont une disponibilité variable.
Ressources logicielles écologiques
La Green Software Foundation propose un catalogue de logiciels verts pour différentes catégories. Celles-ci incluent notamment l’IA, le cloud, le web et bien d’autres.
Le Sustainable Web Design Community Group du W3C a pour sa part publié une ébauche de ses lignes directrices sur la durabilité du Web.
Celles-ci s’accompagnent de nombreuses recommandations tactiques et techniques. Elles touchent la stratégie commerciale et de produit, le design de l’expérience utilisateur, le développement web, l’hébergement et l’infrastructure.
Le projet de lignes directrices comprend également des évaluations de l’impact et des efforts nécessaires. Ces indications donnent une idée du niveau de difficulté de mettre en œuvre les conseils et de leur impact en termes de durabilité.
Les avantages de réduire l’empreinte carbone des logiciels
Pourquoi les programmeurs devraient-ils faire des efforts pour rendre leurs logiciels durables? D’une part, car les logiciels verts sont des logiciels très efficaces.
Réduire l’empreinte carbone des logiciels demande de développer des systèmes plus rapides et de meilleure qualité. Ces systèmes plus efficients devraient aussi amené une réduction des coûts pour les entreprises.
Un autre élément qui entre en jeu est l’évolution de la législation et de la règlementation liés à la durabilité.
L’Union européenne, par exemple, impose la directive sur les rapports de durabilité des entreprises. Celle-ci exige que les entreprises déclarent leur empreinte environnementale, leur consommation d’énergie et leurs émissions. Cela inclut les émissions liées à l’utilisation de leurs produits.
Certains développeurs sont bien sûr motivés principalement par les changement climatiques et les enjeux environnementaux. Ils veulent contribuer à maintenir notre planète habitable pour les générations à venir.
Les ingénieurs en logiciels ont une influence énorme sur les émissions des produits qu’ils créent. Leurs lignes de code ont un impact réel sur les êtres humains.
Les développeurs ont donc la responsabilité de s’assurer que ce qu’ils créent est le moins nuisible possible pour l’environnement.
Créer des sites web et des applications plus écologiques

Le site web de la COP28 sont un bon exemple d’opportunité raté. Ses créateurs auraient sans doute dû s’inspirer des sites sur des annuaires comme Lowwwcarbon. Cette référence met en évidence des exemples de sites Web existants, à faibles émissions de carbone.
La création de sites Web durables comme ceux que vous trouverez dans cette liste demande un travail d’équipe qui implique différents rôles. Cela inclut tout d’abord des analystes commerciaux qui définissent les exigences logicielles aux concepteurs.
Il faut ensuite les développeurs et les responsables des opérations. Ceux doivent être familiers avec les pratiques écologiques devant être appliquées au cours du processus de développement de logiciels.
Créer moins de logiciels, plus utiles
Les analystes doivent tout d’abord déterminer si la fonctionnalité, l’application ou le logiciel qu’ils conçoivent mérite même d’être développé en premier lieu.
L’industrie de la technologie cherche souvent simplement à créer la prochaine nouveauté. Il faut le dire, plusieurs de ces nouveautés visent à créer de nouveaux besoins, plutôt que combler des besoins existants.
Rendre les logiciels durables implique un changement d’approche sur ce qu’il faut développer, ou pas. Un logiciel superflu, même très efficient et vert, reste un fardeau inutile pour l’environnement.
Créer des solutions efficaces et optimisées
La phase de conception consiste à développer des algorithmes et des architectures efficaces. Dès cette étape, il faut penser à la durabilité de la solution.
Tout au long de la phase de développement, les programmeurs doivent se concentrer sur l’optimisation du code. Bien sûr, cela implique notamment supprimer tout code inutile.
En plus du code, il est possible d’utiliser des images basse résolution et des formats d’image modernes. Le chargement des animations peut aussi s’activer uniquement lorsqu’un utilisateur les fait défiler.
Ces techniques permettent d’accélérer le transfert, le chargement et le traitement des données sur l’appareil de l’utilisateur.
Lorsqu’un utilisateur charge un contenu mal optimisé, cela exige beaucoup plus d’énergie sur son propre appareil. C’est dû au fait que l’appareil doit faire tout le travail de lecture et d’exécution du code.
Réduire l’empreinte carbone de l’hébergement des logiciels
Certaines mesures peuvent être prises au niveau des opérations des logiciels. L’une des plus efficaces est de sélectionner service Cloud ou un hébergement web vert.
La Green Web Foundation dispose d’un outil pour vérifier si votre site Web fonctionne sur l’énergie verte. Elle propose également un annuaire des hébergeurs web alimentés par des énergies renouvelables.
Dans le cas du Cloud, votre fournisseur d’hébergement peut adapter les ressources allouées à votre logiciel afin que la consommation soit principalement alimentée par de l’énergie verte. Vous pouvez même demander d’interrompre ou désactiver certains services pendant les heures creuses.
Outils pour mesurer l’empreinte carbone des logiciels
Pour rendre les logiciels plus verts, il faut tout d’abord pouvoir mesurer les émissions de carbone réelles sur l’ensemble du cycle de vie d’un système. C’est un processus très complexe, car une myriade de processus sont impliqués.
Regardons par exemple le développement d’une intelligence artificielle. Son cycle de vie comprend d’abord l’extraction des matières premières. Vient ensuite la transformation des matériaux et la fabrication du matériel.
Une fois cette étape complétée, il reste la formation des modèles, le déploiement des modèles et l’élimination. Toutes ces étapes ne sont malheureusement pas accompagnées de données complètes et détaillées.
De grandes parties de l’écosystème demeure mal comprises à l’heure actuelle. Il est difficile d’avoir accès à des données fiables.
L’industrie manque données ouvertes auxquelles nous pouvons faire confiance. On peut notamment pointer du doigt des géants comme Amazon, Google et Microsoft.
Jusqu’à ce que les données apparaissent, les développeurs doivent se contenter de mesurer la consommation d’énergie de leurs logiciels.
Le génie logiciel vert exige davantage de mesure. Ses promoteurs développent donc des outils pour répondre à ce besoin.
Le Sustainable Web Design Community Group du W3C, notamment, développe actuellement une suite de tests. Ils sont destinés à mesurer les impacts de la mise en œuvre de ses directives environnementales.
La Green Software Foundation a pour sa part développer une formule pour calculer les émissions de carbone des systèmes logiciels.
Obtenir des mesures précises est toutefois assez complexe. Cela exige tout d’abord d’isoler le matériel dans lequel un système s’exécute de toute autre opération. Il faut aussi éviter d’exécuter tout autre programme qui pourrait influencer les résultats.
L’avenir est vert dans le monde des logiciels

Le génie logiciel vert se développe et évolue. Davantage de sensibilisation est toutefois nécessaire pour aider la discipline à se répandre.
C’est pourquoi la Green Software Foundation vise à créer davantage de cours et de formations. Certains de nouveaux enseignements peuvent même conduire à des certifications.
La fondation propose également un cours d’études supérieures en génie logiciel durable. Le programme est ouvert et peut être utilisé comme base pour quiconque cherche à concevoir une formation similaire.
Fournir ces connaissances aux étudiants durant leur formation leur permet de les apporter sur leurs futurs lieux de travail en tant qu’ingénieurs logiciels.
Navveen Balani est un expert en IA qui siège au comité directeur de la Green Software Foundation. Il note que l’IA pourrait facilement inclure des principes verts intrinsèques dans les prochaines années.
D’après lui, les enjeux environnementaux auront leur place dans les priorités, au même titre que les considérations de sécurité font déjà partie intégrante du développement logiciel.
« Ce changement alignera l’innovation en IA sur la durabilité environnementale, faisant de l’IA verte non seulement une spécialité, mais une norme implicite dans le domaine », Navveen Balani.
La Green Web Foundation avoue ouvertement avoir cessé d’exister d’ici 2030. La Directrice des opérations de l’organisation, Hannah Smith, ne cache pas son espoir d’atteindre ses ambitieux objectifs.
« Notre rêve en tant qu’organisation est que nous n’ayons pas besoin de nous, que nous atteignions notre objectif et qu’Internet soit vert par défaut »
Il faut noter que par le passé, les logiciels se devaient d’être optimisés et bien construits. Le matériel a longtemps fait défaut, exigeant des logiciels qu’ils soient efficients.
L’amélioration des performances du matériel et de l’innovation au amené une diminution de la qualité de la programmation.
L’industrie semble toutefois être en voie de boucler la boucle et revenir à ses racines d’efficacité. L’avenir du logiciel semble donc plus vert que le présent.
Pour conclure sur l’importance réduire l’empreinte carbone des logiciels
Les logiciels accomplissent déjà plusieurs tâches à la place des humains. L’innovation dans le développement des intelligences artificielles risquent d’accroitre encore considérablement ce nombre.
Cette importance croissante a amené un impact environnemental de plus en plus important. Il est devenu urgent de réduire l’empreinte carbone des logiciels avant que le monde numérique ne détruise le monde réel.
À l’heure actuelle, l’utilisation du web et des logiciels représente environ 4% des émissions mondiales de CO2. Ce total pourrait toutefois dépasser 14% d’ici 2040 si l’industrie ne s’ajuste pas rapidement.
Nous espérons que cet article vous a plu et vous a éclairé sur l’importance de réduire l’empreinte carbone des logiciels dès maintenant. Si c’est le cas, nous vous invitons à consulter nos autres autres articles et tutoriels.
Notre base de connaissance contient aussi sans doute des réponses à toutes vos questions en liens avec vos projets web.